Les journalistes croisent toute l’année des «marronniers». Dans notre jargon, cela signifie des sujets importants qui reviennent régulièrement hanter nos rédactions. Ils peuvent nous paraître – à tort – complètement usés. Il en va ainsi de l’école. Le sujet se pointe chaque rentrée avec la régularité d’une horloge suisse. Que dire de nouveau à propos du dur labeur d’enseignant, de la sécularisation d’une partie de l’enseignement catholique ou encore des délires anthropologiques de l’école de la République ? Et que faire avec ces jeunes marronniers qui poussent au beau milieu de la cour d’école ? Je veux parler de toutes ces écoles indépendantes qui n’hésitent pas à revendiquer leur ancrage catholique.

Le plus simple, pour Mission, aurait été de laisser tomber ces marrons chauds. De considérer qu’il existe en France des terres de mission plus prioritaires, héroïques ou exotiques. Mais franchement, comment ignorer? C’est quand même le lieu par excellence de la transmission du savoir aux nouvelles générations. C’est aussi la principale surface de contact entre l’Église et la jeunesse. Les chiffres clés de l’enseignement catholique l’attestent (2021-2022) : un élève français sur cinq, 2,1 mil- lions d’élèves, 7 274 étudiants et 138 000 enseignants. Comment rêver d’un meilleur spot d’évangélisation?! Les grincheux diront que l’enseignement catholique n’est plus catholique, que l’école de la République est restée la fille aînée anticléricale de Jules Ferry et que le hors contrat prend le risque de vivre hors du monde. Dépassons svp les vieilles caricatures !

À la suite de Marguerite Léna, philosophe spécialiste des questions d’éducation et membre de la communauté apostolique Saint-François-Xavier, nous voulons réconcilier la foi et la raison, la mission et la transmission des savoirs. Rien n’est simple dans l’école de 2023, évidemment… Mais rien n’est capable d’entraver l’œuvre de l’Esprit dès lors que des éducateurs décident de collabo- rer au quotidien avec Lui. C’est notre conviction et celle des contributeurs de notre dossier.

Pour ma part, j’ai contracté il y a longtemps une dette à l’égard de l’enseignement catholique que
je n’ai jamais voulu régler. Il est encore temps de le faire. J’étais un ado de ma génération, en terminale littéraire, athée et fier de l’être. Mon existence aurait sans doute pris une tout autre orientation si je n’avais rencontré Jean-Marie Meyer, un professeur de philosophie aux Francs-Bourgeois à Paris. Pendant des mois, nous avons planché sur la logique (aride) d’Aristote. Mais, avec ce prof, tout devenait coloré et passionnant, y compris la question de l’immortalité de l’âme. Il a enchaîné avec Nietzsche sur la naissance de la tragédie – c’était à mes yeux plus excitant! Son enseignement a ouvert dans mon intelligence une porte qui était close, celle de la métaphysique. Quelle reconnaissance je dois à cet enseignant, patient laboureur des esprits juvéniles, qui a préparé le travail ultérieur et fulgurant de la grâce.