Hervé Rabec est l’auteur de La grande aventure paroissiale du Père Jean-Michel (Quasar). Face au contexte de la crise des abus, il  regrette l’absence de références au Christ et à sa miséricorde dans la communication grand public.

Alors que chaque semaine, la révélation d’un abus passé vient tristement ponctuer l’actualité ecclésiale, les mêmes éléments de langage se retrouvent dans les interviews : la peine et la tristesse sincères pour les victimes – ce qui est bien nécessaire – avec une difficulté légitime à trouver les mots appropriés pour l’exprimer ; et « la sidération » ou « la stupeur » quant à l’identité des auteurs de ces gestes en s’engageant à une sévérité sans faille. Mais ces éléments de langage convenus ne sauraient être ceux de l’Église catholique. Que faut-il en effet comprendre ? Que l’objectif est désormais de prendre plus de précaution pour ne garder dans l’Eglise que « les gens bien » ? Si c’est le cas, nous allons être nombreux à pouvoir organiser notre pot de départ. Je n’ai pas souvenir que le Christ ait dit à la femme adultère : « bon, je te pardonne, mais va dans une ile déserte, que je ne te revoie pas ».

« Les prêtres ont d’autant plus besoin de pouvoir compter sur la confiance et le soutien de leur évêque »

Alors que chaque journaliste tend légitimement le micro à l’évêque de sa région pour recueillir son avis, pourquoi se priver de l’occasion de rappeler le fondement de notre foi : le Christ est mort est ressuscité pour nous sauver de nos péchés. Il est venu consoler les affligés et sauver les pécheurs. Tous les pécheurs. Non seulement de plus en plus de nos frères et sœurs ne sont plus chrétiens, mais la plupart ignorent ce qu’est être chrétien. Alors pourquoi ne pas en faire une occasion de le rappeler ?

Avec plus de quarante ans de fréquentation plus ou moins assidue du sacrement de réconciliation, dans la cohorte de « ceux qui peinent sur le chemin de la vie parfaite », je n’ai jamais entendu mon curé me dire « Hervé, je suis sidéré. Je te retire à effet immédiat la responsabilité du parcours Alpha, et vais rendre cette décision publique sans tarder ». La miséricorde serait donc pour tous… sauf pour les prêtres, pour reprendre le titre d’un ouvrage de monseigneur Daucourt ? 

Des enseignants, des éducateurs ne se voient pas interdits à vie d’exercer leur profession par une décision de justice. Ayant exécuté une peine, ils ne sont pas assignés à vie à résidence. La Miséricorde de Dieu serait donc inférieure à celle de la République ? Que dire de la pastorale des prisons, où des chrétiens visitent leurs frères, et les aident à se réinsérer à leur sortie ? Faut-il un pictogramme sur la porte des prêtres, pour les exclure de cette compassion ?

Le métier de prêtre est difficile : répartition d’une charge toujours plus lourde entre ceux qui restent, récriminations du peuple à la nuque raide qui continue de caractériser les laïcs que nous sommes… Les prêtres ont d’autant plus besoin de pouvoir compter sur la confiance et le soutien de leur évêque, y compris pour retrouver une place appropriée après le suivi d’une thérapie bénéfique. Le Christ est venu sauver les pauvres types que nous sommes, sans distinction de rang ou de hiérarchie. Soutenons-nous les uns les autres, dans la prière, la charité et la miséricorde, et portons ce message d’espérance auprès de ceux qui ne le connaissent pas.