S’il n’a pas eu l’heur de séduire les critiques, le nouvel album d’Astérix a remporté un succès de vente auprès du grand public. Il faut dire que l’album s’attaque à un sujet de société majeur : la quête du mythique Griffon pose la question des fables et de la Vérité.
La nouvelle lubie de César prête à sourire : pour redorer son image, il souhaite exposer un Griffon dans le cirque de Rome. Les romains aiment croire à l’existence de l’animal, autant qu’à celle des harpies et des sphinx. Un géographe, au nom d’origine grecque et farfelue, Trodéxès de Collagène, atteste même – dans des documents incomplets – de son existence au pays lointain des Sarmates. C’est assez pour Jules César qui lance une expédition scientifique à sa poursuite.
Le dernier album d’Astérix nous plonge ainsi au cœur du thème de la Vérité. Avec humour, Jean-Yves Ferri et Didier Conrad pointent les tentations d’une société relativiste : en la personne du légionnaire Fakenius, c’est la méfiance perpétuelle qui est caricaturée : « Moi, de toute façon, j’ai toujours trouvé ça suspect, cette histoire de Soleil qui se lève à l’Est une fois par jour », « et où il passe entretemps, le Soleil, hein ? » « ça personne ne le dit », « comme par hasard »… La question de la rotondité de la Terre est aussi régulièrement débattue au sein de la légion. Pas évident de savoir ce qui est vrai dans une société où tous les avis s’expriment – et se valent.
Au milieu des légionnaires complotistes, l’autorité des savants apparaît en la personne du géographe Terrinconus, helléniste érudit à la tête de l’expédition. Sous les traits caricaturés de Michel Houellebecq – grand amateur de cartes et de territoires – celui-ci incarne aussi toutefois les défaillances du discours scientifique, puisque c’est avec une docte assurance qu’il traduit à contresens tous les propos des barbares Sarmates.
Ce géographe de salon, s’oppose à un homme du terrain, plutôt esprit Sylvain Tesson, qui n’est guère plus fiable, ce qui donne lieu entre eux à de longues controverses stériles à propos, par exemple, des sirènes : « C’étaient des phoques ! » « Prouve-le ! »…
Vendons la mèche – et arrêtez là votre lecture, si vous refusez qu’on vous évente la fin : le Griffon que recherchent nos amis existe bel et bien, mais pas sous la forme qu’ils imaginaient. Mêlés à la quête, les deux irréductibles Gaulois et leur petit chien sont amenés à un lac sacré où ils découvrent… un cadavre de dinosaure prisonnier de la glace ! C’est ce fossile extraordinaire que les Sarmates appellent Griffon. Voilà donc que l’animal existe depuis bien longtemps, mais sans pouvoir être observé ; et la quête de la Vérité prend une dimension métaphysique…
L’aventure d’Astérix est étonnante et belle : celui que tous recherchent (le Griffon) n’est pas de ce monde. Il est dans une autre dimension (sous la glace), d’où l’on peut le contempler à condition d’être conduit par l’unique figure de religieux de l’album : le chamane Sarmate. Celui-ci seul connaît le chemin, qu’il indique dans sa langue étrange (liturgique ?). Vivant dans un monde infra-révélé, les païens Sarmate, ne doutaient pas de l’existence du Griffon, mais ils faisaient de lui d’effrayantes idoles… « Nous vénérons cet animal depuis toujours. A l’origine, pour nous, il n’avait pas de nom ». Quel Dieu a révélé son nom à son peuple ?
Retenons enfin ceci : le Griffon existe, Astérix l’a rencontré. Des mythes et fantasmes colportés sur lui ne l’empêchent pas d’Etre. Mais ce n’est pas les prétendus scientifiques romains, égarés par leur soif d’or, qui vont le découvrir : ce sont deux Gaulois de bonne volonté, guidés par le chamane. Non que les romains n’eussent pu le contempler : l’exégèse des textes anciens (ceux de Trodéxès de Collagène) les mettait sur la bonne piste, mais il ne fallait pas préférer Mamon au Griffon ! Comme le dit le chamane : « le nez de l’ours l’empêche de voir le pot de miel fermenté qui est sous ses pattes ». Et Astérix se fait catéchisme !
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