Cinéaste oscarisé et agnostique confirmé, Jean-Jacques Annaud, réalisateur du Nom de la Rose, s’est emparé du sujet de l’incendie de Notre-Dame de Paris, qui a eu lieu dans la nuit du 15 avril 2019. Notre-Dame brûle retrace l’intervention exceptionnelle des pompiers de Paris, en rendant compte de façon saisissante du véritable miracle qu’a été le sauvetage du sanctuaire spirituel le plus célèbre de France.
« Tu n’imagines pas le nombre de crétins qui vont se précipiter pour en faire un film », avait déclaré le réalisateur à sa femme, au moment de l’incendie. Peut-être aurait-il privilégié un autre qualificatif s’il avait su qu’il s’emparerait du sujet quelques mois plus tard. En décembre 2019, il est contacté par Jérôme Seydoux, le président du groupe Pathé, qui lui demande de faire un film sur l’incendie. Subjugué par le récit invraisemblable de l’intervention, il accepte et se lance dans le pari fou de nous faire revivre le drame de l’intérieur, là où aucune caméra n’a pu aller. Ce qui l’intéresse, c’est précisément ce qui n’a pas pu être filmé.
Trois ans plus tard, on découvre en salle ce qui nous était caché : l’intérieur, les combles, la nef qui s’effondre, le feu qui n’épargne rien. Cet ennemi gigantesque, fascinant et invincible, sans la moindre pitié face à la peine des pompiers. David contre Goliath. On devient les témoins du sauvetage, du travail d’orfèvre accompli par les pompiers. Le courage et l’héroïsme de ces gens ordinaires qui s’engagent corps et âme dans la fournaise avec 45 kilos de matériel sur le dos, pour monter les 400 marches jusqu’au beffroi nord. Quatre jeunes pompiers de 22 ans en moyenne, sont envoyés seuls face à l’ennemi en attendant le reste de la troupe, toujours coincé dans les bouchons. Pour deux d’entre eux, c’est leur premier feu. À eux quatre, ils réussissent à refroidir l’échafaudage, qui aurait plié sans leur intervention. 500 tonnes qui auraient emporté avec elles l’ensemble de l’édifice.
« Sauver ou périr », c’est la célèbre devise des Sapeurs-Pompiers de Paris. Il ne s’agissait pourtant pas de sauver des vies humaines ici. Ils ont mis leur propre vie en jeu pour des pierres, une couronne qui pique, et un clou… Pourquoi ont-ils accepté cela ? Quelle force les a portés dans leur entreprise héroïque, quasi suicidaire ?
Comprenant l’urgence de sauver ces trésors, peut-être dominés par quelque chose qui les dépassait un peu, quelques pompiers se sont portés volontaires pour l’opération commando entre les deux beffrois, sous les cloches. Une action complètement suicidaire, mais remarquablement accomplie, qui a permis aux soldats du feu de reprendre l’avantage sur leur adversaire, et de finalement mettre fin à l’incendie après 9h de lutte.
Tout le monde connaît les images de la cathédrale en feu cette nuit-là. Chacun retenait son souffle devant cette opération à cœur ouvert. Nous étions là, devant ce spectacle crucifiant, à contempler Notre-Dame brûler, sans doute avec la même impuissance que Notre Dame elle-même au pied de la Croix. Consternés, nous espérions un miracle pendant que la cathédrale, confiée aux mains d’une poignée d’hommes, se laissait patiemment soigner au milieu de son agonie. C’était un lundi saint, et l’Évangile de ce jour résonnait avec force : « Si eux se taisent, les pierres crieront… ». Nous serions-nous trop tus ?
Le film insiste sur un détail particulièrement évangélique : une pierre angulaire, sur laquelle on voit Marie qui nous présente l’Enfant-Jésus. L’architecture gothique fait reposer l’édifice sur cette petite pierre. Sans elle, tout s’écroule. Une façon, pour les bâtisseurs, de nous rappeler la véritable pierre angulaire dans nos vies : Jésus. Dès lors que nous oublions cette pierre, tout s’écroule. La main de Marie montre Jésus, et la flèche de Notre-Dame montre le ciel. Tout est sous nos yeux, mais en réalité, cela faisait bien longtemps que cette flèche s’était effondrée. Nos coeurs étaient-ils tournés vers le ciel ? La priorité est-elle donnée à Dieu ? Notre Dame nous appelle à retrouver cette pierre qu’ont rejeté les bâtisseurs et qui est devenue la pierre d’angle, comme nous dit le psaume. Une pierre si petite, si discrète, mais sans laquelle l’édifice n’a ni fondement, ni direction. Il aura fallu qu’un incendie nous ouvre les yeux ; que les pierres crient.
Le cinéaste aurait pu s’en tenir à un récit factuel de cette nuit, considérer la cathédrale en tant qu’édifice culturel, monument touristique emblématique de Paris. Mais il fait preuve d’un profond respect pour le sacré et le mystère éminemment spirituel inhérent à Notre-Dame. Il joue sur la symbolique de la Vierge Marie personnifiée en la cathédrale Notre-Dame, Marie dont on voit régulièrement le visage en statue, d’où coule une larme au milieu des flammes, qui semble souffrir dans sa chair.
Les coulisses de l’intervention nous révèlent que le sauvetage était loin d’être évident. L’intervention est en réalité une succession d’obstacles et de contretemps, qui auraient dû tout compromettre. Plus on se penche sur le récit du drame, plus on réalise à quel point ce sauvetage a tenu du miracle. La lenteur avec laquelle l’alerte est lancée, les embouteillages parisiens qui ont retardé l’arrivée des secours, le gardien à qui il manque une clé, le régisseur de Notre-Dame, seul détenteur de la clé des reliques, coincé à Versailles et bloqué sur le parvis par la police, l’épopée pour sauver la couronne d’épines… autant de détails qui auraient pu conduir à la catastrophe. Face au désastre, l’espérance pointe toutefois le bout de son nez. La foule s’approche et s’agglutine, et après une phase de sidération, elle prie Dieu. Annaud fait monter cette prière jusqu’aux tours, jusqu’aux oreilles du pompier qui vient de s’extirper des flammes pour se reposer. Il doute peut-être, le courage lui manque, le désespoir semble le gagner ; à l’instant où les prières parviennent jusqu’à lui, il sourit et replonge courageusement dans la fournaise. Quelle image !
La cathédrale a été sauvée, sans aucun blessé. Aucune vie humaine n’a été touchée. Les espèces eucharistiques ont été préservées. La dernière scène nous laisse entendre que tout cela a été possible grâce à la prière d’un enfant…
Il est toujours déroutant de recevoir une leçon d’âme et de sacré par quelqu’un qui ne croit pas. Dans Notre-Dame brûle, Jean-Jacques Annaud nous partage magnifiquement son amour des cathédrales. Le cinéaste est en effet passionné d’architecture médiévale depuis l’enfance : églises, abbayes, calvaires… Élevé dans un milieu athée, très républicain, il ne cache pas son intérêt pour les questions spirituelles quoiqu’il soit resté incroyant. Enfant, il adorait visiter les églises, qu’il décrit comme des “endroits de repos et de méditation”. Lorsqu’il reçoit un petit appareil photo à 7 ans, il s’amuse à photographier des églises, donnant naissance à un “inventaire général des églises méconnues de France”. « J’aime les lieux de recueillement. J’y ressens quelque chose de plus large que la vie matérielle. Je ne suis pas croyant mais j’ai foi dans la foi : j’éprouve un profond respect pour ceux qui croient. »
Dans un entretien avec Paris Notre-Dame, il évoque son rapport à la cathédrale. « J’habitais la banlieue, et ma mère m’emmenait le jeudi à Paris. On ne manquait jamais de faire un tour à Notre-Dame et parfois, de faire brûler un cierge. Je ne suis pas croyant. Mais que j’entre dans une chapelle ou une cathédrale, j’ai toujours ce frisson, comme un choc émotionnel, que je n’ai pas quand je visite un édifice non religieux. Ce sont des lieux de ferveur, d’espérance, de paix… et de mystère aussi. »
Pour l’anecdote, l’acteur qui joue le gardien a remercié Jean-Jacques Annaud à la fin du tournage, car c’était la première fois qu’il entrait dans une église. « J’ai été ébloui, quelque chose s’est passé en moi. » lui a-t-il dit. Si les non-croyants se mettent à transmettre Dieu mieux que nous, le monde est sauvé !
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