3 novembre 2022
Alors que l’Eglise semble avoir perdu tout crédit auprès des médias non spécialisés qui ne parlent que d’elle que pour analyser ses crises, certains journaux, que personne n’attendait sur ce créneau, redonnent la parole non à l’institution, mais aux intellectuels catholiques. A croire que l’effondrement des cadres offre un nouvel espace d’expression à une pensée toujours aussi vivante, toujours aussi belle, toujours aussi cohérente.
Le dernier numéro de Front Populaire, la revue souverainiste de Michel Onfray qui cherche à dépasser la logique bipartite, recense ainsi le dernier ouvrage de Rémi Brague (présenté sur notre site) Après l’humanisme, L’image chrétienne de l’homme. Ce dernier y défend l’idée chrétienne de l’homme comme un mystère qui nous est confié, seule créature inachevée, qui trouve sa destination en Dieu. Le journaliste de Front Populaire rapporte cette thèse clairement, en en soulignant la pertinence. L’article résume ainsi : « Toutes les anthropologies sont provisoires, mais rares sont celles qui en ont conscience et osent se présenter comme telles ». Cette humilité de la pensée catholique interpelle.
La revue poursuit ses recensions avec un commentaire de l’ouvrage de François Euvé, La science, l’épreuve de Dieu ?, conçu comme une réponse explicite au livre du duo Bolloré-Bonnassies, Dieu, la science, les preuves. Le théologien jésuite, physicien de formation, y propose une analyse plus subtile des rapports entre science et foi. Sans chercher à discuter savamment du bien fondé de telle ou telle approche, on notera toutefois que la finesse d’un discours intellectuel chrétien qui refuse la facilité suscite l’admiration des rédacteurs de Front Populaire. La position claire de l’Eglise, entre encouragement de la recherche scientifique et méfiance à l’égard de la tentation du concordisme, est ici saluée. Une ligne de crête, un équilibre, qui convainquent et résistent à l’épreuve du temps.
Front Populaire n’est pas le seul média à nous surprendre : les journalistes de Marianne, anticléricaux de tradition, se mettent désormais à parler du christianisme pour en faire autre chose que la critique ! Leur dernier numéro rend ainsi justice à l’action des paroisses, en lien avec les associations de football. Et Marianne, non sans honnêteté, de faire l’éloge de ses réseaux efficaces qui viennent en aide aux citoyens les plus affaiblis par l’inflation, dans la ville sinistrée de Liverpool ! Plus surprenant encore, la recension élogieuse dans leur numéro de fin septembre du dernier essai de Sébastien Lapaque : Vivre et mourir avec George Bernanos. Profonde méditation sur le catholicisme du romancier, l’ouvrage parle essentiellement de la façon dont l’écrivain a su dépasser les attendus de son ancrage socio-politique en grandissant dans la Foi, pour apprendre à être toujours du côté de la vérité. A nouveau une invitation à dépasser les logiques purement partisanes, pour construire véritablement un monde plus juste.
La troisième voie proposée par le christianisme ouvre de plus en plus un espace de dialogue avec ceux qui cherchent à défendre le faible, à penser l’homme sans retomber dans des erreurs déjà commises. Depuis plusieurs années déjà, les publications classées au rayon « Essai » des librairies font la part belle aux réflexions chrétiennes (on notera par exemple le dernier ouvrage de Pierre Manent sur Pascal et la proposition chrétienne), ajoutant au sentiment d’une formidable vitalité intellectuelle, destinée à rayonner.
Loin des débats politiques et des clivages, ce retour en grâce nous apprend à nous, catholiques, que l’affirmation persévérante d’une pensée plurimillénaire à laquelle nous sommes fidèles est l’avenir. Les orages passent sur le monde, mais la Vérité dépasse les logiques partisanes. Et la Vérité nous ramène toujours à Dieu. A nous d’assumer avec honnêteté ce en quoi nous croyons pour parler au monde, qui a tant besoin d’une troisième voie.
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