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Société

La publication des enquêtes menées sur l’évolution de l’obésité en France ne cessent de défrayer la chronique : 17% de la population française serait en situation d’obésité. Celle-ci est en constante augmentation auprès de la jeunesse, et se présente comme la grande pandémie de demain, puisque les cas sont amenés à exploser dans les pays en développement. Elle apparaît comme le fruit pourri du regard matérialiste que nos sociétés portent désormais sur le corps et sur l’Homme.

 
L’obésité, une responsabilité collective

Souvent présentée comme un phénomène inéluctable, l’obésité trouve ses causes dans notre responsabilité collective. Dès 1991, l’anthropologue Sidney Mintz s’intéressait dans son essai Sucre blanc, misère noire. Le goût et le pouvoir, à la question de la consommation de sucre dans la Grande Bretagne du XVIIIe siècle. Il la comparait avec sa faible pénétration dans les habitudes alimentaires des Français à la même époque. Alors que les historiens considéraient comme une évidence que celle-ci était liée au pouvoir d’achat, le chercheur américain avançait que la différence de consommation entre les deux pays aurait surtout été liée à l’influence d’intérêts politico-économiques dans le cadre du commerce avec les colonies. Il ajoutait que l’augmentation de la consommation de sucre pourrait également s’expliquer par l’intensité de l’apport énergétique fourni, demandant moins de préparation que les habituels modes alimentaires. La conjugaison de l’incitation politique et de la très naturelle pente de la facilité provoquaient en Angleterre une hausse importante du poids moyen. Contrer la croissance de la consommation de sucre aurait en effet nécessité une forte intervention de l’Etat, réaction inenvisageable dans la très libérale Albion.

Le schéma décrit par le chercheur américain est comparable à notre situation actuelle. Aujourd’hui cette augmentation de la consommation de sucre se fait de plus en parallèle de l’augmentation de la consommation de matières grasses, selon un même phénomène. Des études ont par exemple montré que les quartiers plus défavorisés concentrent davantage de chaînes de restauration rapide et proposent moins, voire pas du tout, de commerces de type primeurs ou poissonnerie. Désertion du politique, prédation économique et annihilation de la volonté : voilà un cocktail explosif.

 
De quoi l’obésité est-elle le symptôme ?

Dans ce contexte, l’Homme n’est plus considéré que dans sa dimension physiologique, matérielle, et la façon dont nous abordons aujourd’hui la question de l’obésité est révélatrice de l’anthropologie qui la sous-tend. Elle met en lumière la nature du regard que notre société pose sur l’Homme. Il est un consommateur réduit à sa vie matérielle, que l’on endort avec des doses de sucre ou de graisses ultra transformées ; et lorsque la matière, lorsque son corps ne supporte plus ce régime, on songe à le soigner, en témoigne les recherches des labos pharmaceutiques qui développent des médicaments contre l’obésité, dans un cycle infernal qui ne peut qu’endormir la volonté. Consommons, absorbons, vendons, puisque la matière sauvera la matière. On souhaiterait pour notre pays un autre regard sur l’individu, dont on s’attacherait à préserver la dignité et à faire fructifier la liberté par l’exercice de sa volonté. A l’heure du plaisir sucré, quelle place pour le bonheur véritable ?

 

Le capitalisme est un matérialisme

Le cas de l’alimentation nous rappelle une fois encore que le capitalisme est un matérialisme. A force de nier l’existence de nos âmes, il finit par détruire nos corps. Le corps, devenu essentiellement prétexte à faire de l’argent, se trouve réduit à de la matière que nos apprentis alchimistes s’ingénient à transformer en or. Nul procédé de sublimation dans cette transmutation.

Peut-être manque t-il aujourd’hui l’existence d’un Bossuet qui, dans son Sermon sur le mauvais riche, composé pour le deuxième vendredi de Carême et prononcé devant la Cour, rappelait les limites de nos faims matérielles : « C’est, Messieurs, cette dureté qui fait des voleurs sans dérober, et des meurtriers sans verser du sang. […] Je ne m’en étonne pas, Chrétiens ; d’autres pauvres plus pressants et plus affamés ont gagné les avenues les plus proches, et épuisé les libéralités à un passage plus secret. Expliquons-nous nettement : je parle de ces pauvres intérieurs qui ne cessent de murmurer, quelque soin qu’on prenne de les satisfaire, toujours avides, toujours affamés dans la profusion et dans l’excès même, je veux dire nos passions et nos convoitises ». Les mots sont forts et rappellent ce que le XVIIème siècle savait sûrement mieux que nous : que nos choix intérieurs guident l’action publique. Ils pourraient être transmis aux politiques matérialistes désabusés, qui ne voient dans l’alimentation qu’une consommation ; à ceux qui laissent prospérer une industrie-agroalimentaire irresponsable qui s’engraisse en faisant grossir les autres. Prenons garde à ce/ceux que nous nourrissons.

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