Reçu sous la coupole de l’Académie française en 2021, Daniel Rondeau signe chez Grasset Arrière-pays, un roman sur les ravages de la mondialisation en ses terres champenoises. Chrétien atypique et fervent, il a troqué le gauchisme de sa jeunesse contre la révolution de l’Amour.
L’écrivain hongrois Sándor Márai explique dans son Journal (Les années d’exil 1949-1967) que ce qui manque à l’Amérique, « ce sont les deux mille cinq cents années qui se sont déroulées en Europe entre la préhistoire et les Temps modernes. C’est-à-dire les civilisations grecque et latine, le gothique, Dante et saint François. Ne jamais l’oublier ». Depuis, cette Europe que venait de quitter Sándor Márai, chassé de son pays par le communisme, n’a cessé d’être affectée par divers troubles du comportement : amnésie, perte d’identité, dépression persistante. L’aveuglement sur l’importance du judéo-christianisme dans la formation du destin européen en est le symptôme le plus manifeste. Un dernier exemple nous en a été donné par la Maltaise Helena Dalli, première commissaire européenne à l’Égalité, qui s’est illustrée récemment en nous proposant de
bannir le mot Noël de notre vocabulaire.
Les apôtres étaient allés porter la parole du Christ « par tout le monde » et « pour toutes les nations » (Rome, Espagne, Éthio- pie, Inde, Arabie, Asie Mineure, etc.). Que disait cette parole ? Les premiers seront les derniers… Aime ton prochain comme toi-même… Tu ne tueras pas… Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Le christianisme a ensemencé notre continent, qui s’est couvert d’un blanc manteau d’églises, comme le disait le moine clunisien Raoul Glaber au début de l’an mil. L’Europe est ainsi devenue, au fil des siècles, la patrie de la Liberté et de la divine création.
Comment en sommes-nous arrivés au singulier message de Noël de Mme Dalli ? Sans doute faut-il interroger l’histoire de notre xxe siècle. La guerre de 1914 avait épuisé les Européens. Les meilleurs de nos écrivains aiguisaient leur part de génie au jeu du grand chamboule-tout. La déconstruc- tion générale était déjà à l’ordre du jour. « Les Européens sont las d’eux-mêmes », écrivait alors Malraux dans La tentation de l’Occident. Puis le passé tout entier a commencé à nous devenir incertain après les crimes de masse soviétiques et allemands qui ont entaché notre histoire. Toute la terre de l’humanisme s’est retrouvée conta- minée par le doute. Les nazis et les staliniens avaient perdu la partie, mais ils avaient laissé une bombe à retardement derrière eux: le nihilisme. Enfin, les États-Unis, qui ont participé de façon décisive et héroïque à la libération de l’Europe en 1944, et nous savons ce que nous leur devons, ont pris de fait un ascendant sur le Vieux Conti- nent. Leur emprise sur l’Europe, aggravée par le bombardement mondial d’images et de sons de l’entertainment, par leurs lobbies campés dans les couloirs du Berlaymont et par le matraquage de la cancel culture, est celle d’un grand pays auquel il manque une case : le trou de deux mille cinq cents ans dont parle Sándor Márai.
L’Europe soft d’aujourd’hui est celle des technocrates, de l’industrie lourde des médias et d’une monnaie commune. Sous ce masque aimable, le poison nihiliste continue ses effets et condamne les existences individuelles à l’absurde. Tout devient produit et spectacle, l’amour et la douleur aussi, le marché libre mondial est devenu une valeur suprême. La marchandisa- tion générale, forme extrême de la sécularisation, crée du vide et de la solitude. La marchandisation générale, forme extrême de la sécularisation, crée du vide et de la solitude.
Au moment où le souvenir réel du Christ s’éloigne – deux mille ans ont passé –, nous sommes ten- tés de nous bâtir un avenir sans les civilisations grecque et latine, sans le gothique, sans Dante et sans saint François, qui seraient relégués au musée des Antiquités européennes, sponsorisé par la commission bruxelloise du Tourisme. Il est suicidaire de nous détourner de notre matin et d’oublier une tradition qui n’a jamais nié ce qui fait la grandeur de l’homme. « Je suis las des musées, cimetières des arts », disait Lamartine. L’Europe a grandi et s’est affirmée comme essen- tielle au monde sous le parrainage de nos origines méditerranéennes, des bâtisseurs de cathédrales, de nos écrivains et de nos saints. Ne laissons pas notre continent devenir le cimetière de la parole de Celui qui était venu sur son âne proclamer la révolution de l’Amour.
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