Les éditions Salvator rééditent en poche le bestseller mondial Le rite : la formation d’un exorciste au Vatican ; zoom sur une pratique encouragée depuis toujours par l’Eglise, objet de nombreux fantasmes et toujours plus d’actualité.

Genèse d’un ouvrage à contre-courant

Au début des années 2000, le journaliste américain Matt Baglio découvre par hasard l’existence d’un cours au Vatican sur l’exorcisme. Interpelé par ce qui lui semble être un enseignement complètement archaïque, il décide de s’intéresser à la question et part à la rencontre du père Gary Thomas, américain lui aussi, qui part se former au Vatican. Le livre le suit dans sa découverte de la pratique de l’exorcisme à Rome, loin des clichés sensationnels largement répandus par la fiction.

On déplorera une traduction qui ressemble trop à un calque de l’anglais et qui déconcerte le lecteur au point parfois de l’empêcher de percevoir la façon dont l’ouvrage est conçu. L’auteur alterne en effet les points de vue en intercalant régulièrement des chapitres qui font le point sur les positions théoriques de l’Eglise sur la question, et sur celles du corps scientifique, qui s’attache vigoureusement à découvrir les causes matérielles de ces phénomènes, au point de proposer une hypothèse sur l’efficacité de la prière comme une interconnexion de particules sur le mode de l’intrication quantique. On découvre toutefois que ces postures très matérialistes n’empêchent pas certains praticiens de collaborer avec les exorcistes, lorsque le problème leur paraît de nature plus spirituelle. Sans renier les explications, qui rendent compte du « comment », apportées par les chercheurs, le croyant peut légitimement considérer qu’il existe aussi un « pourquoi » et un « pour quoi », idée que le théologien John Haught, cité dans le livre, résume dans cet exemple : « Pourquoi l’eau dans une casserole se met-elle à bouillir sur le feu ? » Une réponse est de dire que l’eau se met à bouillir parce que les molécules H2O bougent et passent de l’état liquide à l’état gazeux. Une autre réponse pourrait être que l’eau est en train de bouillir parce que quelqu’un a mis le feu sous la casserole. Une troisième réponse pourrait être que l’eau est en train de bouillir parce que quelqu’un veut une tasse de thé ». Voilà pour justifier la permanence de l’exorcisme dans nos sociétés où la médecine n’a jamais été aussi performante.

La découverte de l’existence du Mal

C’est en effet un point de vue raisonnable et modéré sur cette pratique que se propose de mettre en valeur l’ouvrage. Le père Thomas débute ainsi sa formation avec un scepticisme de bon aloi, proche de nos mentalités françaises. Première surprise : la propension des Italiens à recourir à l’exorcisme. Des prêtres tiennent ainsi leur cabinet ouvert dans différentes églises de Rome et ce mode de consultation ne suffit pas à répondre à la demande. Cette absence de tabou coïncide avec un taux important de pratiques occultes, ces dernières entraînant naturellement la nécessité de recourir à un exorcisme. L’ouvrage ne s’attache pas au sensationnel et il ne s’agit pas de décrire des rituels sataniques particulièrement sordides suivis d’exorcismes éclatants accompagnés de manifestations horrifiantes. La meilleure preuve apportée à l’existence du Diable comme personne et à la réalité du danger de la possession est l’expérience du Mal telle que la vit le père Thomas lors d’une séance. Il plonge ses yeux dans ceux d’une possédée et y lit la haine pure, brute, telle qu’il ne l’avait jamais vue. C’est cet épisode qui le convainc définitivement de la nécessité de la pratique de l’exorcisme. Et qui convainc le lecteur.

Les leçons à tirer pour notre temps

Cet haine incommensurable nous rappelle que le Mal ne peut être un jeu, qu’on ne l’invoque pas sans conséquence, et que le paganisme, généralement fondé sur l’idée d’un équilibre entre le Bien et le Mal, a eu besoin d’être dépassé par le christianisme où Dieu, où le Bien, sont plus forts que le Mal. Et c’est pourquoi l’exorcisme fonctionne, parce que Satan n’est pas l’égal de Dieu et que le Bien l’emporte à la fin. (A ce sujet, nous vous encourageons à aller visionner le reportage de Larry Lock sur notre chaîne Youtube qui suit un missionnaire catholique chez des animistes de Madagascar.)

Cet ouvrage rappelle aux catholiques que leurs contemporains ont besoin de l’annonce de l’Evangile, qu’il en va aussi de leur liberté à une époque où des spiritualités neuves brouillent les frontières entre le Bien et le Mal : comment se prémunir du Mal si l’on n’a pas même la conscience nette de son existence (Pour aller plus loin, vous pouvez consulter notre article sur les Sorcières nouvelle génération dans le numéro 5 de la revue papier) ? Un prêtre de Solemnes témoignait ainsi récemment à l’un de nos journalistes du fait qu’il voyait des gens qui revenaient à la foi après s’en être considérablement éloigné et confessaient être allé très loin dans le Mal : leur retour leur avait fait enfin prendre conscience des péchés qu’ils avaient commis. Sans cela, ils n’auraient peut-être jamais compris que leurs actions pouvaient clairement être estampillées comme relevant du Mal.

La Formation d’un exorciste au Vatican a donc le grand mérite de mettre les idées au clair sur ces questions et de nous rappeler qu’il nous faut chercher la victoire du Bien dès ce monde.