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Société

Fabiola Francfort

9 février 2022

La mort brutale de l’acteur à seulement 37 ans a bouleversé les Français. Ses funérailles à l’Eglise St Eustache ont rassemblé le milieu du cinéma français qui l’aimait et le public venu lui rendre hommage. Notre chroniqueuse Fabiola Francfort, qui faisait partie de cette foule recueillie, médite sur la portée de ce drame.

Tandis que la cérémonie a commencé à 11h ce jeudi 27 janvier 2022, de plus en plus de personnes attendent devant la grande église des Halles. Belle résonnance pour un acteur : l’église Saint Eustache est celle où Molière a reçu le baptême, il y a pile 400 ans. Mais c’est avant tout l’église de son quartier. Un habitant du quartier qui s’est déplacé pour l’hommage se souvient de Gaspard, jeune, faisant du skate ici. Il ne l’imaginait alors pas un instant devenir acteur. Plus tard, explique-t-il, il obtiendra une dédicace de Gaspard Ulliel sur une photo de Jacquou le Croquant. Une jeune femme est présente depuis 9h30, et se fait expliquer les rites catholiques. Jeunes, vieux, hommes, femmes : la foule est diverse et patiente.

Devant les murs de l’église, un grand et beau portrait en noir et blanc de Gaspard Ulliel est installé. La photo rappelle qu’il incarnait un type rare d’acteur français : celui du jeune premier. Car il est d’abord très bel homme. Il était égérie de parfum, rôle dans lequel les jeunes acteurs français ne sont pas si nombreux puisqu’une marque réutilise l’image de Delon jeune dans ses publicités. Chanel, dont il était l’ambassadeur, a fait déposer un immense bouquet de fleurs blanches au pied de l’autel de l’église. De par son grand talent d’acteur, il n’était pas qu’un physique, et pouvait s’emparer de rôles complexes. Cela fut dit durant la cérémonie : « L’un des rares à pouvoir jouer tant le Petit Prince que l’Aviateur ». Sa gueule d’ange le conduit à percer dans le cinéma américain et à jouer dans des productions de superhéros, il sera à l’affiche de la série Moonknight.

Sa mort prématurée, inattendue, au moment du décollage international de sa carrière, et surtout en pleine jeunesse, choque. Les circonstances de son accident mortel, une collision avec un skieur lituanien sur une piste bleue, apparaissent terribles et si malchanceuses face au prix payé de sa vie. Pourtant, paradoxalement, la mort évitable de Gaspard Ulliel, parce qu’elle marque les gens, sauvera préventivement de nombreuses vies. Ce fut ainsi pour le chanteur Claude François dont le décès a sensibilisé durablement les foyers aux dangers du contact eau-électricité.

Ce fut ainsi pour Fabio Casartelli, champion olympique italien mort sur les routes du Tour de France 1995 suite à une chute. Son décès a conduit à l’adoption du casque obligatoire, renforçant la sécurité des cyclistes professionnels. Sur les pistes de ski de Savoie, quelques jours après le décès d’Ulliel, tout le monde portait un casque.

Lors de la cérémonie des obsèques, le texte biblique choisi fut un extrait de l’Evangile considéré comme le kérygme, cœur de la foi chrétienne :

Evangile de Jésus Christ selon saint Jean (3,16-17)
Dieu a tellement aimé le monde
qu’il a donné son Fils unique :
ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas,
mais il obtiendra la vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde,
non pas pour juger le monde,
mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.

Choix fort, devant toute l’assemblée comptant le gratin des acteurs français ! Texte rare pour des funérailles, et pourtant, à qui d’autre rattacher l’espoir dans le deuil qu’au Christ qui a déjà connu la mort – et l’a vaincue ! En cette heure, Gaspard Ulliel est d’une manière particulière configuré au Jésus de l’Evangile, lui aussi fils unique, lui aussi mort jeune.

12h30 passé, le cortège sort, ouvert par le servant d’autel brandissant la croix, précédant le cercueil noir orné du crucifix. Le symbole de la croix s’accorde à la douleur de voir les parents Ulliel enterrant leur fils unique. Le prêtre se penche délicatement sur un mignon bambin de 6 ans, c’est le fils de Gaspard Ulliel. La foule des invités et des anonymes partage un long silence digne sur le parvis autour du corbillard que bénit le prêtre une dernière fois, affublé de sa chasuble au monogramme JHS [Jésus Sauveur des Hommes]. Puis un homme au look simple, de l’âge de Gaspard Ulliel, lance « Merci Gaspard ! », et les applaudissements de la foule fendent le silence.

Le meilleur ami de Gaspard Ulliel a demandé à l’assemblée que ces obsèques ne soient pas un moment de tristesse. Dans les prières choisies pour les funérailles, il y a le psaume 33.

Le Seigneur entend ceux qui l’appellent ;
De toutes leurs angoisses, il les délivre.
Il est proche du cœur brisé,
Il sauve l’esprit abattu.

Face à l’absurdité de la mort qui nous sépare de ceux qu’on aime, rien de plus précieux que la foi, rien de plus naturel que de se cramponner à l’espérance dans l’Au-delà. Avec ceux restés après le départ du corbillard, je partage à haute voix ma réflexion : dans les moments charnières de l’existence, devant la mort d’un être aimé, on se souvient de l’essentiel, et l’on espère dans la Vie Eternelle, dans la Vie après la mort. « Mais vous savez Madame, l’Espérance, c’est à cultiver dès maintenant » me rétorque une jeune femme, passionnée par Gaspard Ulliel et Saint Augustin, dans une interpellation inconsciemment missionnaire sur le parvis.

Dans les intentions de prière de la cérémonie, l’humilité d’une phrase touche : « Souviens-toi, Seigneur, de Gaspard ». Puis ce programme, si juste théologiquement pour les défunts : « Qu’il trouve auprès de toi la joie sans fin » / « et qu’il veille sur tous ceux qu’il aime. » Puisse l’attachement des gens pour Gaspard Ulliel contribuer à les rapprocher du Dieu d’Amour, Vainqueur de la mort, dans les mains duquel il est remis. 

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