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Culture

Martin Munoz Ledo

19 avril 2023

Qui aurait cru qu’une série tirée de la Guerre des étoiles, produite par le géant du cinéma et de la télévision Disney, pourrait faire de la paternité le centre de son intrigue ? Pour beaucoup de puristes, cette série qui cherche à respecter l’esprit des films de Georges Lucas, avant le rachat de la franchise par Disney, est perçue comme la bouée de sauvetage de la saga après la sortie des épisodes VII, VIII et IX. « Saint Dave Filoni ! Bienheureux John Favreau ! Délivrez-nous de la maléfique Mickey la souris ! » crièrent les fans de Star Wars, et leurs prières furent entendues : non seulement ces deux grands producteurs ont créé des histoires originales dans l’esprit de l’œuvre de Georges Lucas, mais ils abordent également des questions profondes comme la question de la rédemption, du pardon, de l’identité… voire, de façon plus inattendue, celle de la paternité.

 

La paternité : de la reconnaissance à la protection de l’enfant

C’est en effet la paternité qui est au centre de la relation entre le personnage principal, Din Djarin plus connu sous le surnom du Mandalorian, et son fils adoptif Grogru, recueilli dans des circonstances très particulières. Din Djarin, en tant que chasseur de prime, a reçu pour mission de ramener ou d’éliminer Grogru à la demande d’un client. Orphelin lui-même, l’homme s’est reconnu dans Grogru et refuse pour la première fois dans sa carrière d’accomplir une mission. Ce faisant, il ramène l’enfant chez lui et choisit de l’élever comme son fils : une réflexion sur la spécificité de la paternité se dessine ici, qui vient ajouter un modèle aux exemples existant déjà.

Ce n’est pas la première série « Star Wars » qui insiste sur la place de l’homme dans l’éducation d’un enfant. Dave Filoni, également créateur de la série The Bad Batch, y met en scène l’histoire d’une escadre de clones rebelles accompagnée d’une jeune fille, elle aussi issue de la séquence génétique des clones. Dans cette série on observe comment l’héroïne gagne en maturité grâce aux enseignements de ses grands frères, tandis que ceux-ci apprennent ce que signifie être un éducateur et un gardien et deviennent finalement des figures paternelles. Car qu’est-ce qu’un père sinon un homme qui transmet et protège ?

The Bad Batch, tout comme The Mandalorian, insistent en effet sur cette dimension d’une paternité qui doit se construire. Le premier acte d’un homme pour devenir père c’est de reconnaître sa progéniture comme sienne. La mère qui porte l’enfant dans son sein pendant neuf mois ne se pose pas la question de la reconnaissance dans les mêmes termes. C’est pourquoi la filiation père-enfant ne peut profondément se faire qu’à travers la reconnaissance du second par le premier.

Légalement d’ailleurs, dans le cas où le couple n’est pas marié, le père doit poser un acte volontaire juridique de reconnaissance de son enfant. Dans le cadre de la série, où la paternité est pensée explicitement au-delà de la seule biologie, comme la construction d’une relation, le duo Din Djarin, Grogru n’est pas sans rappeler un autre tandem père-fils : celui de saint Joseph et de Jésus.
Lorsque saint Joseph est promis à la vierge Marie, l’ange Gabriel lui demande explicitement de reconnaître l’Enfant qui est en elle, alors qu’il aurait pu la dénoncer et la faire lapider. Mais Joseph, comme Din Djarin après lui, est un homme juste qui décide d’assumer la responsabilité de la paternité avec tout ce qu’elle implique. Les deux hommes doivent en effet protéger très concrètement leurs enfants contre des forces supérieures qui les menacent. Bien que tous les pères ne soient pas ainsi persécutés, ils doivent toujours à leur façon défendre leurs enfants de tous les dangers présents dans la société et leur servir de modèle tout en leur transmettant leurs savoirs et expériences de vie. Les légions à repousser ne sont pas forcément composées d’hommes en armes aujourd’hui, mais tous les parents savent quels dangers menacent leurs enfants. The Mandalorian commence ainsi par définir le père comme le protecteur qui reconnaît sa responsabilité vis-à-vis de son enfant.

 

Paternité et transmission

Dans un second temps, la série met l’accent sur la transmission. Le fait de vivre des aventures avec le Mandalorian permet ensuite à Grogru de mettre en pratique ce que son père lui a appris, dans un décloisonnement entre vie professionnelle et vie privée qui rappelle à nouveau la relation entre Joseph et Jésus. Le charpentier a bien appris à Jésus son métier et il n’est pas anodin que de nombreux peintres aient choisi ce thème comme sujet de leurs tableaux. Evidemment, il y a eu des tâches que Jésus ne pouvait effectuer en raison de son âge. La même chose se produit dans la série lorsque, pour certaines missions, Din Djarin n’emmène pas Grogru et le dépose avec quelqu’un de confiance. Néanmoins, la réflexion menée invite à repenser le rapport au lieu du travail, espace privilégié pour un enfant de voir son père dans l’action et endroit par excellence où observer son comportement avec d’autres adultes, sans être toujours cantonné au foyer. On ne voit pas toujours comment l’appliquer dans nos métiers contemporains parfois très abstraits, mais l’intrigue nous propose en tout cas de réfléchir à une plus grande porosité pour se saisir de sa paternité.

Et la mère dans tout ça ? Pour l’instant la série n’a pas abordé cet aspect-là de manière évidente. On retrouve, néanmoins, des figures maternelles comme la mécanicienne de Din Djarin, Pelli, qui ressemble beaucoup à cette tante dont la seule envie est de pouponner lorsqu’elle voit son petit neveu. Tante Pelli fait des petites grimaces, joue avec le petit Grogru, le câline et le chouchoute. Elle incarne plus secondairement le pendant maternel qui enveloppe Grogru dans sa douceur.

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