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Culture

Antoine Jaron

27 mars 2023

Les jeudi et vendredi à 21:00 au théâtre l’Essaïon et jusqu’au 7 avril, l’artiste et art-thérapeute Sophie Galitzine joue son 3ème spectacle: “Faire corps”. Après un premier seul en scène sur la conversion d’une jeune artiste, puis un deuxième spectacle sur les début du mariage, Sophie Galitzine donne cette fois la parole à des religieuses, des prêtres et des religieux sur le rapport à leur corps.


Confessions Intimes

Dans les sous-sol du quatrième arrondissement de Paris se trouve la salle du théâtre l’Essaïon dans laquelle Sophie Galitzine joue. Dans un coin de ce décor nu, au milieu des pierres blanches qui sculptent cette cave voûtée dans laquelle nous sommes, il y a une icône. Un clin d’œil à Louison, le personnage de son premier spectacle, d’abord entrée par la porte de l’Église Orthodoxe ? Les différentes “confessions” de ces religieux se font sous le regard bienveillant de Dieu. Les rangs très serrés et le nombre de places assez limité participent à l’ambiance intimiste dans laquelle la comédienne nous fait peu à peu entrer. De façon très délicate, Sophie se pare d’un voile et fait parler des religieuses. Elle le retire élégamment laissant s’exprimer des moines et des prêtres grâce à la voix enregistrée de Thibault de Montalembert. Rythmées par quelques passages dansés, ces émouvantes confidences sont parfois entrecoupées par les séances de coaching pour le moins atypiques d’Hermione Tagliatelle, sexologue au Vatican.


Le corps confisqué aux religieux ?

Les réflexions que Sophie Galitzine nous offre sont authentiques. Elles proviennent d’entretiens qu’elle a pu avoir dans la cadre de ses activités d’art-térapeuthe. Il y a une gêne palpable de ces femmes et hommes de Dieu a exprimer ce que leur corps ressent mais Sophie nous les partage avec une immense pudeur. L’authenticité des sentiments qui jaillissent et la fraîcheur des mots qui sont posés interpellent. Impossible alors de tomber dans la caricature de la bonne sœur naïve ou du prêtre macho. Les constats que font ses personnages sur la fatigue du corps, les pulsions sexuelles ou encore l’obéissance nous rejoignent aussi, femmes et hommes “du monde”. Mais ils semblent prendre une toute autre dimension dans la bouche des consacrés. On reprend alors conscience qu’un certain nombre de sujets, qu’un certain rapport au corps et qu’une certaine écoute de celui-ci reste encore tabou. Dans ce spectacle on touche du doigt la liberté des ces personnes à enfin formuler sans jugement les désirs qui les habitent. “J’aimerais bien me baigner dans la mer, mais on a pas le droit” nous dit, rêveuse, une sœur. “A des moments, j’ai envie de danser, mais je ne me l’autorise pas”, confie un moine. La beauté de l’habit religieux a-t-elle pour certains fait disparaître la beauté du corps ? Notre tradition religieuse occidentale n’a t elle pas, parfois, déséquilibré le triptyque corps-âme-esprit en délaissant le premier ?

 

Un témoignage, pas une révolution

On est pris de compassion pour ces femmes et ces hommes, qui, dans un langage très pur, extériorisent leurs défauts, leurs manques et leur incomplétude. On est aussi un peu révolté d’imaginer que la vie en communauté religieuse puisse, certaines fois, engendrer de la souffrance. Peut-être oublie-t-on trop souvent que l’on reste encore humain derrière les portes du monastère? Le personnage plutôt burlesque de la sexologue s’adressant aux cardinaux sûrement assez embarrassés par les sujets abordés nous fait alors sourire. Brandissant son credo “les églises sont vides!” pour justifier tous ses propos, elle les invite de manière très décalée à se ré-emparer de leurs corps et leurs mouvements. Dans ce spectacle, les souhaits et les renoncements exprimés par ces religieux ne s’expriment pas d’abord dans un but militant. Sophie et ses personnages ne préparent pas de programme politique, ni une nouvelle révolution dans l’Eglise. Le spectateur est avant tout là pour écouter, accueillir ces témoignages et reprendre conscience de la beauté de l’engagement radical de ces personnes. On devient alors indulgent avec ces personnes dont le caractère a aussi été forgé, comme nous tous, par certaines épreuves dans leur corps. Épouser l’Eglise est un combat qui se prend à bras le corps et la comédienne nous rappelle que ce corps est le ring un peu oublié de cette lutte. Dans ce spectacle “Faire Corps”, Sophie Galitzine réintègre le corps dans l’Église. Ce corps devient, certes, don à Dieu mais il reste d’abord un don de Dieu.


Spectacle « Faire Corps » par Sophie Galitzine

Jusqu’au 7 avril, les jeudi et vendredi à 21:00 au théâtre l’Essaïon

6 rue Pierre au Lard, 75004 Paris

https://www.essaion-theatre.com/spectacle/1000_faire-corps.html

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